Peindre, écrire chemin faisant
Edition L’Age d’Homme, 2006
1953 : deux amis, Thierry Vernet et Nicolas Bouvier, réalisent ensemble un rêve d'enfance en faisant un voyage d'un an et demi entre la Yougoslavie et l'Afghanistan, avec une petite Fiat Topolino et très peu d'argent en poche. Bouvier l'a magnifiquement raconté dans L'Usage du monde, et tous ses lecteurs se souviennent des dessins de Vernet qui l'illustrent...
Si ce monumental ensemble de lettres, écrites quasi quotidiennement et envoyées semaine après semaine par le jeune peintre et dessinateur Thierry Vernet à sa famille, sur une période de dix-sept mois, de juin 1953 à octobre 1954, n'était qu'un addenda à L'Usage du monde, l'éditer dans son intégralité pourrait à bon droit apparaître comme une entreprise inutile. Or il n'en est rien. Peindre, écrire chemin Faisant procure des plaisirs entièrement neufs ; il appartient à une catégorie littéraire très rare : celle du chef-d’œuvre involontaire. En effet, dans son désir de ne rien perdre de ce qu'il voit au cours de son voyage, Thierry Vernet ne retient jamais sa plume ; chaque événement, ombre, couleur, personnage de rencontre nourrit son imagination, tant picturalement que littérairement - même si à aucun moment il ne prétend faire œuvre d'écrivain. Et ce qui est prodigieux, dans ces pages, c'est le naturel, la gaieté et l'humour (féroce à l'occasion) avec lesquels tout est narré par le menu. Ainsi, la galerie de portraits de Vernet est d'une richesse extraordinaire ; il semble avoir suivi le conseil de Scott Fitzgerald : « Commencez par peindre un individu et vous aurez créé un type. Commencez par peindre un type et vous n'aurez rien créé. » Il y a comme ça, dans ce livre à la liberté exceptionnelle, des dizaines d'individus croqués avec tant d'esprit qu'on en reste pantois.